Rapport de Mohamed Ag Erless
Par Mohamed Ag Erless, Chef de la Mission Culturelle d’Essouk, Kidal, 3 avril 2012
Nous vivons en ce moment dans une situation qu’on n’imaginait pas il y a seulement quelques mois. Je profite pour vous donner toutes les nouvelles.
En effet, je suis parti à Gao le samedi matin par bus. Nous avons passé la nuit à Douentza pour continuer le dimanche. Sitôt arrivé à Hombori les conducteurs d’un autre bus que nous avons trouvé sur place nous ont fait comprendre qu’aucun bus ne peut continuer sur Gao. Tous les chauffeurs ont décidé de faire demi tour mais nous avons insisté pour que le notre avance jusqu’à Gossi qui se trouve à une centaine de km sur la route qui mène à Gao. A quelques kilomètres de Hombori, nous avons rencontré le convoi militaire (tous les hommes de la base de Gao) avec armes, matériel de guerre dont les blindés et les chars en direction de Mopti. Cela a effrayé davantage les passagers et les chauffeurs. Nous avons quand même pu atteindre Gossi où nous sommes restés un moment (40 mn) pour savoir plus sur la situation de la route. Dans cette attente, un véhicule est arrivé de vers Gao avec des morts et de blessés qu’il a pris sur la route de Gao. Parmi les victimes, le Préfet de Bourem et un de ses enfants tués, un autre enfant grièvement blessé par balles (dans l’épaule et la jambe). Quant à son épouse, devant cette horreur a pris une direction dans le bois touffu (la nature). Jusqu’à hier encore nous n’avions pas de ses nouvelles.
J’ai été obligé de revenir dans le même car pour aider les blessés et assister des femmes et des enfants des militaires qui étaient dans le convoi et dans des conditions pitoyables (question de dire que j’ai fait de l’humanitaire). A partir de Sévaré (Mopti) nous avons organisé l’admission des malades à l’hôpital et mis en sécurité les femmes et les enfants des militaires. Je me suis renseigné sur les déplacements entre Gao et Kidal, on m’a fait comprendre que le car qui assure la liaison est arrêté en attendant. J’ai alors obligé de revenir à Bamako afin de m’organiser et repartir. A Sévaré hier avant-hier et hier c’était la débâcle. La rumeur selon laquelle les rebelles veulent attaquer cette localité circulait. Tout le monde cherche à partir vers Bamako. Le camp de Sévaré était vidé de ses occupants. C’était triste, très triste.
Après Kidal et Gao, c’est Tombouctou qui est tombée entre les mains des rebelles.
Selon mes informateurs dont mon fils qui sont à Kidal tout semble aller bien dans cette localité. Les rebelles ont sécurisé certains lieux administratifs comme la banque mais les vandales en ont saccagé la plus grande partie. Les biens de tous les fonctionnaires qui n’étaient chez eux ce jour ont été, soit emportés soit brûlés. Il en est de même que tous les véhicules et engins à deux roues. Certains ont été volés et d’autres récupérés et sécurisés dans la cour de la police par les rebelles. Certains responsables des services techniques, le Gouverneur, les membres de son cabinet et les officiers restés se sont réfugiés chez le Vieux Intalla Ag Attaher, le Chef traditionnel des Kel-Adagh (région de Kidal). Celui-ci a assuré la protection mais aussi la prise en charge alimentaire de toutes ces personnes en attendant leur évacuation sur Bamako via le Niger. Ils m’ont dit aussi que deux bus ont quitté ce matin Kidal pour Gao. Il y a encore des passagers qui attendent là-bas (se sont les familles des sudistes) qui veulent rentrer. Ce qu’il faut craindre c’est une crise alimentaire dans la localité car les gens qui ne sont pas ravitaillés depuis un certain temps risquent un manque de tout. Et même s’il y a quelques denrées disponibles, les prix vont grimper et la liquidité fera défaut. La banque est fermée et gardée par les rebelles mais aucune opération n’est possible pour le moment.
A Gao avec les saccages, aucun magasin, aucune banque aucun service de l’Etat n’a été épargné. C’est l’une des raisons d’ailleurs qui m’ont poussé à revenir à Bamako car je sais si je ne dispose pas de ressources pour tenir un certain temps ce sera très difficile pour moi et ma famille. Les fonctionnaires n’ont pas leur salaire, voici des conditions très difficiles !!!!
Au niveau de Bamako, les parlementaires, les partis politiques, sont en conclave à l’Assemblée depuis ce matin pour faire des propositions de sortie de crise (formation d’un gouvernement de transition), sinon la CDEAO a déjà mis en action ses mesures de restriction contre le Mali. Pour le moment je suis à Bamako, je repartirai dès que possible.